De Terre et de Chair, Valérie Rossignol

Synopsis

   Ce texte en diptyque décrit deux situations : la sculptrice avec son modèle, (Homme de Terre), et la femme avec son amant (Homme de Chair).

   L’auteure nous conduit au cœur de ces relations avec une sagacité troublante, profonde et juste. Sans doute jamais une femme n’avait exploré de cette manière son être intérieur avec une telle liberté en tant qu’artiste, et en tant que femme.


   Homme de Terre nous invite à plusieurs sessions de sculpture d’après modèle vivant. Valérie Rossignol nous apporte un nouveau regard sur ce qui se joue entre la sculptrice et son modèle. Ils ne sont pas amants. La fusion prend corps dans la terre. La relation ne peut pas exister sans cette matière modelée. L’auteure nous fait comprendre le rôle de chacun dans le processus création. L’homme, nu, accepte petit à petit de dévoiler son être, « on ne peut pas tricher ». Les êtres sont en communion, la sculptrice catalyse cette fusion et transmet à la terre sa forme, la vie.

   Même si elles créent leur propre espace temps, ces séances de travail sont en résonnance avec le monde. Par exemple, une séance a lieu avec un modèle danseur, au lendemain des attentats du Bataclan. « J’ai créé un homme de terre, pendant qu’un homme de chair mourait. […] J’ai pris sa nudité, puisqu’il me l’offrait, et je l’ai donnée à tous ceux qui craignaient de se déshumaniser. […] Il me donnait à voir ce qu’est un homme quand il se déploie, d’autres me donnaient à voir ce qu’est un homme quand il tourne à vide, sans colonne ni assise. »
Lors d’une autre séance, un ami gravement malade pose pour la sculptrice.
« Nous avons convenu qu'il choisirait une pose fixe, non fatigante pour lui. […] Quand tout rapport de force a disparu, que l'attention à l'autre permet un climat de confiance absolue, c'est bien l'expérience de l'humilité qui est rendue possible. Délicate pudeur de celui qui se met à l'épreuve et qui désire s'offrir un instant de dépossession complète. […] Il fallait donner au corps le poids de l'assise, restituer ce que la maladie tentait de lui enlever, sa densité. La sculpture finissait par n'être que présence, non pas corps mais instant saisi, instant d'une profonde simplicité et d'une grande quiétude. J'ai sculpté son aura. J'ai sculpté ce qu'il restera de lui quand il sera mort. Son éternité. »

 

   Il est modèle, elle est sculptrice, la terre les relie.

   Homme de Chair est une lettre à l’homme aimé. Avec la même sagacité que dans « Homme de Terre », l’auteure explore cette fois la fusion charnelle. Le flux du récit nous entraîne dans un tourbillon haletant, où les émotions sont autant de pièces d’un puzzle qui s’agrandit à l’inverse d’une peau de chagrin. « Je sens les failles et les angoisses prêtes à ressurgir à tout instant. […] L'espace intérieur ne s'agrandit que s'il est porté par l'amour. Je pourrais tout aussi bien rétrécir. M’égarer comme autrefois, quand la dérive semblait ne plus devoir finir et qu'il me paraissait tellement difficile de peser son poids. Mais en cet instant, je suis solidement amarrée. Tu me retiens, avec toute la force de ton esprit. »

  Il est homme, elle est femme, la chair les relie.